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Trésorerie : comment éviter les délais de paiement à rallonge ?

Relancer intelligemment, privilégier les procédures à l’amiable, insuffler la culture du cash dans l’entreprise… Voici quelques conseils pour encaisser au plus vite du chiffre d’affaires.

Ce n’est pas nouveau, les délais de paiement en France sont historiquement longs. Mais aujourd’hui, c’est encore pire. D’après une étude de KPMG en partenariat avec l’éditeur Sidetrade, environ 3,5 factures sur 10 sont échues avec plus de 10 jours de retard, contre environ 2 sur 10 avant le confinement. Le comité de crise sur les délais de paiement a, de son côté, lancé une alerte début mai sur la situation, notamment sur l’émergence de nouvelles pratiques de la part de certaines entreprises (absence de validation de facture, retard dans l’émission de bons de commande, prix revus à la baisse…). « Aujourd’hui, toutes les factures vont avoir leur importance, même celles de 500 euros », alerte Fabrice Delevay, CEO de GCollect, marketplace de recouvrement. En particulier pour les entreprises qui n’ont pas obtenu de prêt garanti par l’Etat (PGE) mais dont une partie du chiffre d’affaires « dort » à l’extérieur. Récupérer son dû n’est pas évident, en particulier en période de crise. Le JDN a demandé à plusieurs experts de livrer leurs conseils pour diminuer les délais de paiement.

Avoir une facture en règle

Pour recouvrer une facture, il faut d’abord s’assurer qu’elle est en règle et qu’elle ne fait pas l’objet de litige. « Vérifiez que vous avez au moins un devis, un bon de commande, un contrat ou un bon de livraison signé. Sinon, le délai de paiement et le recouvrement de la créance sera ultra complexe », rappelle Alexandre Bardin, CEO de Rubypayeur, plateforme de recouvrement en ligne. « Il faut aussi correctement afficher les indemnités forfaitaires sur la facture et exposer clairement qui si la facture n’est pas payée, l’entreprise n’hésitera pas à faire appel à un service de recouvrement« , ajoute-t-il.

Privilégier des factures dématérialisées

Si ce n’est pas fait, adoptez les factures électroniques, bien plus pratiques et traçables que le papier. De plus, il y a fort à parier que les factures papier ne soient plus du tout acceptées d’ici quelques années, donc autant s’y préparer. Depuis le 1er janvier 2020, il est obligatoire d’utiliser la facturation électronique si vous vendez des biens ou services aux organismes publics et d’accepter les factures dématérialisées entre entreprises privées. Il existe de nombreux services de dématérialisation de factures ainsi que des logiciels de trésorerie qui intègrent cette brique.

Faire des relances intelligentes

Relancer une facture non payée peut sembler gênant mais il faut absolument passer par cette case. « La première raison d’un retard de paiement est qu’une facture n’a jamais été relancée. Il y une part de mauvaise foi chez les débiteurs qui se disent que si personne ne les relance, ils ne vont pas payer car ils veulent garder de la trésorerie », analyse Aymeric Dupas, CEO de Aston iTF, logiciel SaaS de recouvrement des créances clients. « Recouvrer une créance qui a plus d’un an divise par 10 les chances de succès de se faire payer ». Si vous êtes une petite entreprise, vous pouvez relancer individuellement vos clients le lendemain de l’échéance de la facture. Si vous n’avez toujours pas de réponse une semaine après, vous pouvez les mettre en demeure. « Cela permet d’acter le fait d’être payé », insiste Alexandre Bardin. Surtout, il faut relancer au plus vite. « Plus on attend, plus c’est compliqué, surtout en ce moment. Recouvrer une créance qui a plus d’un an divise par 10 les chances de succès de se faire payer », ajoute-t-il. Vous pouvez aussi avoir recours à un logiciel de relances, il en existe de nombreux sur le marché (Aston iTFClearnoxDunforceSidetrade Augmented CashUpflow…). Certains s’adressent spécifiquement aux PME et sont totalement ou partiellement gratuits en ce moment, en raison de la crise liée au Covid-19.

Proposer un échéancier

Si votre client ne peut pas régler sa facture car il est dans une situation difficile, vous pouvez lui proposer un échéancier. « Un échéancier rassure car l’entreprise sait qu’elle a une chance de récupérer son argent sur plusieurs mois et qu’elle n’a pas besoin de lancer une procédure judiciaire qui engendre des frais », fait remarquer Alexandre Bardin. « En plus, cela renforce la relation commerciale, cela crée une sorte de solidarité », ajoute-t-il. Rubypayeur assure que plus de 50% de ses clients acceptent les échéanciers actuellement contre 20% en temps normal.

Privilégier un règlement à l’amiable

« Privilégiez toujours les procédures à l’amiable et le dialogue. Cela permettra de trouver des arrangements pour ne laisser personne sur le bord de la route », préconise Fabrice Delevay. De plus, l’amiable ne coûte rien contrairement à un recouvrement judiciaire.

Plus de 50% de ses clients acceptent les échéanciers actuellement contre 20% en temps normal

« Votre client a peut-être une bonne raison de ne pas vous payer car il a des difficultés financières. En revanche, s’il est de mauvaise foi, vous avez la possibilité d’appeler le Médiateur des entreprises« , indique Olivier Novasque, CEO de Sidetrade, éditeur d’une plateforme d’intelligence artificielle dédiée entre autres à la gestion des impayés. « Rien ne sert de continuer à servir un client s’il ne vous règle pas, sinon vous ne pourrez plus payer vos collaborateurs et fournisseurs », complète le dirigeant.

Etre transparent

Nos experts conseillent aux entreprises d’être transparents avec leurs clients. « Il ne faut pas hésiter à expliquer que s’il ne vous paie pas, vous allez mettre la clé sous la porte. Cela ne marche pas à tous les coups mais il faut essayer », conseille Alexandre Bardin. « Il faut avoir une relation plus que jamais proche de ses clients, avoir de l’empathie car eux-mêmes sont en difficultés. Je conseille d’évoquer tout de suite le sujet des délais de paiement », complète Olivier Novasque.

Faire comprendre l’intérêt du cash dans l’entreprise

Les dirigeants doivent prendre le sujet de la gestion du cash à bras le corps, même si ce n’est pas très sexy et que ça semble anecdotique. C’est au contraire une priorité. « Il faut communiquer auprès de l’ensemble des départements, leurs donner des objectifs et rôles sur le sujet du cash, définir des indicateurs pour suivre les objectifs fixés », souligne Aymeric Dupas. Sidetrade conseille de porter une attention sur ses encaissements à la semaine voire à la journée. Et essayer de prévoir au maximum sa trésorerie (Lire notre article Neuf conseils pour soigner et prévoir sa trésorerie). « Il faut l’intégrer dans la négociation commerciale. C’est l’occasion ou jamais que deux mondes isolés se parlent enfin : le monde de la finance et le monde du commerce. C’est très important d’insuffler une culture cash chez les commerciaux. Il faut expliquer que le délai de paiement n’est pas la dernière roue du carrosse, que c’est un point essentiel de la négociation commerciale, qu’on va les solliciter s’il y a des litiges ou en cas retard de paiement », témoigne Olivier Novasque. En bref, leur faire comprendre que « Cash is king ».